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Les banderoles de propagande sont utilisées par le Parti communiste chinois pour diffuser la bonne parole : des messages éducatifs ou informatifs, des avertissements ou mises en garde, des slogans vantant la grandeur de la Chine… Les banderoles elles-mêmes ont des qualités impressionnantes : jusqu’à 20 mètres de long, fond rouge vif, écritures le plus souvent blanches, mises en lumière entre deux arbres, en pleine rue, à la vue de tous. Elles ont pour vocation «d’élever» le peuple et de le fédérer autour d’un projet collectif.
Ne sachant pas lire le Chinois, une partie invisible de la Chine m’était interdite. J’ai alors entrepris de recenser et faire traduire ces banderoles officielles. De nuit, au flash, j’ai parcouru les rues de Shanghai à la recherche de ces précieux messages. Ce travail d’archivage systématique constitue un relevé topographique qui m’a permis de cerner au mieux l’envergure de l’utilisation de ce support de communication communiste.
Pourtant si grandes et si présentes, ces banderoles ne sont aujourd’hui plus vraiment lues par les Chinois qui sont tellement habitués à les voir qu’ils ne les regardent plus. Probablement trop paternalistes, elles ne sont désormais plus qu’une toile de fond, comme une tapisserie jaunie sur un mur défraichi. Partie 1 : « Authority ».
J’ai alors souhaité dépoussiérer ces banderoles en en détournant le sens pour leur redonner leurs lettres de noblesse. J’ai commencé à faire imprimer mes propres messages sur ces bannières et à les accrocher dans la rue un peu partout en Chine. J’ai choisi principalement des proverbes, dictons et citations de philosophes chinois, des phrases issues de la culture chinoise qui correspondent à ma propre philosophie de vie… Phase 2 de ce projet que j’ai baptisé « Vox Populi ».
Dans un troisième volet conclusif baptisé « Silent Protest », j’ai imaginé des images comme une invitation à la rêverie, à la méditation et à la contemplation. Mon idée est de donner voix à la nature d’accoutumée silencieuse : si la parole lui était donnée, que nous dirait-elle ? J’ai voulu ici m’éloigner du réel, apporter une touche de poésie à l’espace public et susciter le questionnement.
La culture chinoise est celle du changement, de l’inconstance, de l’adaptation : rien n’est figé, tout est en mouvement. Dans ce projet, l’utilisation faite de ce morceau de tissu rouge est également en mouvement.
Eric Leleu
Projet Subtitles sur Artsy, Wired & On Art and Aesthetics
(Plus de projets faits en Chine ici : Archives Chinoises)